Hyper local – le marché de noël des créateur.ices de la maison pressée

Le préfixe « Hyper » exprime généralement l’excès, à l’image des hypermarchés fortement sollicités pendant les fêtes de fin d’année et dont la provenance des produits nous coupe de fait avec leurs producteur.ices. Chez Dans Ton Rouen, nous pensons que l’art et la culture peuvent aussi se « consommer » localement. Soutenir les artistes et les créateur.ices à l’échelle d’une ville ou d’une région permet d’aller à l’encontre d’une production culturelle standardisée et parfois complétement déconnectée de son territoire. Cela permet de créer du lien et de donner à l’objet une dimension plus connectée – non pas à la 5G – mais à son environnement et aux personnes qui l’ont imaginé et conçu. Cela ne veut pas dire qu’il faille se couper des influences extérieures, bien au contraire, mais parvenir à reconnaître les qualités créatrices intrinsèques d’artistes amateur.ices, précaires ou semi-professionnel.les au même titre que celles des « super stars ». Car si la création suppose déjà un effort, un travail, pouvoir en vivre est souvent un véritable parcours du combattant.

À une époque où l’on reconnait, un peu trop tard, que le productivisme et la surconsommation ont largement participé à la tragédie écologique que nous vivons, consommer local ; de l’art, de l’artisanat, des vêtements, des denrées alimentaires… peut paraître vain. C’est pourtant une façon d’agir, à sa façon, pour une cause ou en faveur d’une personne. C’est une manière de rendre tangible la réflexion militante avec ses propres moyens – c’est-à-dire très faibles étant donné la violence avec laquelle les forces en place agissent pour conserver un système hyperproductiviste, hyperinégalitaire et hyperentable.

Bien que ce ne soit pas grand chose dans les faits, c’est un premier pas vers une réappropriation du quotidien et des liens que l’on entretien avec les objets. Nous prenons bien entendu en compte le fait que « consommer local » peut parfois coûter plus cher et n’est pas forcément accessible à toutes les bourses, surtout lorsqu’il s’agit de rémunérer correctement le travail de l’artiste en fixant un prix juste.

Il y a donc un fossé évident entre l’achat de biens de « première nécessité » (soin, hygiène, nourriture, logement…) et « l’achat-plaisir » ou « l’achat-engagé », qui présuppose d’abord d’avoir répondu à ses besoins primaires. L’idée ici n’est absolument pas de culpabiliser ou d’imposer. J’écris moi-même sur un ordinateur assemblé en Chine, construit avec des pièces dont l’empreinte carbone est désastreuse et qui me permet de produire un article sur la thématique du « local » hébergé par un serveur américain très énergivore…

Mais essayer de s’approprier l’Art localement par le biais de tels évènements va au-delà de ce paradoxe. Mieux, il le neutralise. Venir jeter un œil et simplement discuter est un premier pas crucial. Cela rend l’activité de l’artiste et/ou de l’artisan.e accessible tout comme le contact avec « son » public. C’est une reconnaissance en somme, bien plus significative qu’un like ou qu’un commentaire Instagram. Grâce au dialogue et à l’échange, il peut se passer beaucoup de choses, des microphénomènes imperceptibles qui susciteront peut-être des idées, des vocations, des projets ou de l’indifférence. Ce marché hyperlocal n’est donc pas seulement ouvert à celles et ceux qui voudront/pourront acheter, mais surtout à celles et ceux qui voudront/pourront interagir à leur façon.

Créer du lien. C’est ce que proposera La Maison Pressée les 18 et 19 décembre prochains, et c’est aussi l’une de ses motivations principales. Une démarche insufflée par le collectif Polymorphe et ses membres occupant les lieux et souhaitant ouvrir leurs espaces à la résidence et au public. Au sein de cet immeuble de quatre étages ouvert le 19 novembre dernier, ses pensionnaires ont réfléchi à un lieu mutualisé et autogéré où peuvent se rencontrer des artistes et artisan.es normand.es. Les lieux seront aussi ouverts aux artistes extérieurs en résidence. Ce marché hyperlocal est donc un évènement parmi d’autres qui permet de rassembler, l’espace d’un instant, bien plus que ne le ferait un simple clic sur une plateforme en ligne. Ce fut d’ailleurs tout un combat pendant les confinements : faire reconnaître l’art et la culture comme autre chose que du « consommable » mais aussi, tout simplement, comme des lieux et des temps partagés où se tisse autre chose que des préoccupations mercantiles.

Alors, si vous en avez l’envie et la possibilité, pourquoi ne pas vous laisser séduire par les œuvres botaniques de Louisa Mouche, les espiègleries d’Adam Dessine, les pièces cousues main d’Hannah, les gravures de Sophie Roger, les céramiques de Typhaine Faunières, les peintures d’Alexandra Palavasson ou les illustrations de Zineb Drahmoun ? Leur point commun ; ils viennent tous de ton Rouen ou alors vraiment pas très loin (moins de 25km). Évidemment, nous ne pouvions pas passer à côté !

contact.maisonpressee@gmail.com

Texte rédigé par Jordan More-Chevalier, relu et corrigé par Auxane Leroy.