« Essayer de rassembler malgré le contexte » : le festival les pluriels aura bien lieu

Tous les ans, excepté l’année dernière lors du premier confinement, les étudiants en licence professionnelle « métiers de la médiation par les approches artistiques et culturelles » organisent le festival Les Pluriels à Rouen. Se démarquant pas sa programmation pluridisciplinaire, il offre aux artistes locaux et émergents une scène pour s’exprimer et interroger les pratiques le temps d’un week-end prolongé. C’est aussi une formidable expérience pour ces futurs professionnels des métiers de la culture que de mettre en place un tel évènement. Dans ce contexte, difficile d’être étudiant, qui plus est dans un secteur totalement asphyxié par une pandémie qui semble devoir durer. Une situation doublement précaire qui n’entame pas le moral et la motivation des organisateurs. Soucieux de défendre une culture libre et alternative – même s’il faut faire des concessions – la promotion de cette année compte bien porter cette 24ème édition jusqu’au bout. Le festival Les Pluriels aura bien lieu à Rouen du 18 au 20 mars 2021.

Le thème de cette année, l’osmose, a une résonance toute particulière. Alors que le monde est confiné, totalement ou partiellement depuis plus d’un an, se pose la question du délitement des liens et de l’isolement. C’est peut-être un des rôles que doit jouer la culture en ces temps troublés, là où la politique institutionnelle échoue depuis tant d’années ; imaginer des espaces communs, mixtes, apaisés où l’on peut créer et échanger. Certains appellent ça des tiers-lieux.

Oui, la culture rassemble, interroge, mélange, transforme, expose les choses invisibles, dénonce parfois… par ses formes variées et sans cesse réinventées, elle est essentielle. « Notre volonté est de concevoir un évènement fédérateur grâce à une programmation universelle où chacun peut trouver son compte. Nous allons proposer aussi bien des actions en présentiel que des actions en live-stream. Ce projet de festival repose également sur une volonté de proposer un évènement éco-responsable. Réduire notre empreinte carbone et réfléchir sur une nouvelle manière d’envisager la culture qui est indispensable à nos yeux », peut-on lire sur leur programme.

« Le thème a été choisi avant l’annonce de fermeture des lieux culturels », confie Lucie Renée en charge de la communication du festival, « on est tout de même resté sur l’osmose car rassembler les gens n’a jamais été aussi important. Certes, nous ne pourrons pas tout faire en présentiel mais nous avons essayé d’organiser des évènements à plus petite échelle. Il y aura par exemple des concerts à l’Aître Saint-Maclou d’une durée de 20 minutes avec des jauges maximales de 6 personnes. C’est vrai que certain.e.s ne croient pas en ce système, à long terme ce n’est pas viable, mais au moins nous arrivons à mettre en avant des artistes et à les faire jouer. C’est mieux que rien. »

Les organisateurs du festival ont bien conscience que l’art ne saurait s’émanciper avec autant de restrictions mais il est difficile de faire autrement pour l’instant. Tous les week-ends, comme eux, nous constatons les rues pleines de passants attendant devant les magasins, remettant les articles en rayon et, nécessairement, participant à la circulation du virus. Le monde de la culture et ses spectateurs sont sidérés devant l’absurdité de ce contraste, sidérés et en colère, à l’image des théâtres et des salles actuellement occupés un peu partout en France pour se faire entendre. L’idée n’est pas de stigmatiser celles et ceux qui n’ont que le week-end pour venir faire leurs emplettes mais de trouver une logique dans les injonctions du gouvernement. Nous ne parlerons pas non plus des trains, des bus ou des métros bondés auxquels nous avons déjà maintes fois fait référence. Or, les cinémas, les musées, les théâtres et les salles de spectacle sont prêts et équipés à accueillir leurs publics. Pourquoi ne pas leur faire confiance ?

Les organisateurs ont donc dû faire preuve d’imagination, d’autant plus que le festival avait été conçu autrement, à une époque où les lieux culturels étaient partiellement ouverts. « S’il y a un point positif, explique Lucie, c’est que cela nous pousse à faire preuve d’inventivité, à sortir l’art de son contexte traditionnel. Par exemple, nous avons invité le collectif les Bonz Enfants à organiser 3 battles artistiques autour du thème « Rats des villes, Rats des champs » qui seront réalisées à la Galerie d’en face. Les spectateurs devront départager le plus beau rat et un tirage au sort permettra de repartir avec l’œuvre.

Cinq artistes locaux exposeront également leurs œuvres à la Chapelle Saint-Louis le samedi après-midi pendant que les équipes de l’Étincelle organiseront un collage. Des visites de 6 personnes auront lieu toutes les 20 minutes. Le public pourra échanger avec les exposants et découvrir leur travail. Nous essayons de créer le contact tout en respectant les mesures sanitaires. Ce n’est pas évident mais nous sommes heureux d’avoir réussi à organiser tout ça ».

Le festival Les Pluriels précède habituellement le printemps, ses concerts en plein air et ses festivals estivaux… Nous espérons qu’ils sauront inspirer et prouver qu’il est possible de laisser l’art circuler à l’air libre.

« Cette année aura été une douche froide pour tout le monde. Travailler en distanciel sur un festival, sans pouvoir se voir, se parler et échanger, c’est un peu contre-intuitif, conclut Lucie. Certains viennent dans cette licence après une reconversion ou arrivent pour la première fois dans une ville qu’ils ne connaissent pas. Il est difficile parfois de se projeter et de rester motivé… Malgré tout, ce festival est pour nous un aboutissement. On espère qu’il sera une réussite et qu’il permettra aux gens de s’évader. »

Texte relu et corrigé par Auxane Leroy.