On suffoque !

Confinés nous le sommes depuis longtemps. Dans nos cœurs, dans nos pensées, nous avons délimité des espaces, des nasses qui contraignent nos gestes, bloquent nos élans, réduisent nos mouvements. L’époque est morose, rester positif consomme parfois beaucoup d’énergie et de courage. Voir au-delà du programme qui s’organise devant nos yeux, face à notre impuissance, est devenu une discipline qu’il est parfois difficile de tenir.

Rester optimiste ne consiste pas à se contenter de ce que l’on a mais à voir plus loin, à imaginer autre chose et œuvrer, à sa façon, à rendre le monde un peu meilleur. L’art, la culture, l’éducation, sont autant de médiums pour penser au-delà de la rentabilité. Le monde que l’on nous prépare et qui est déjà là, celui « d’après » (comprendre : le même qu’avant avec un peu de maquillage communicationnel et l’avènement d’un État policier) est d’une laideur sans nom. Ceux qui le conçoivent ne font qu’abimer un peu plus chaque jour l’espoir qui nous anime. Ils détestent l’idée même de solidarité et de bien commun car cela ne les concerne pas. Leur monde ressemble à un univers kafkaïen où tout s’agence pour contraindre les corps et les esprits à des fins productivistes, et ce jusqu’à l’absurde (cf. les règles sanitaires qui n’ont aucun sens, quand les métros sont bondés et les salles de cinéma ou de théâtre fermées). Cela est terrifiant.

On peut facilement lier le refus du gouvernement de considérer la Culture comme un secteur essentiel avec la terrible et fascisante loi de sécurité globale. Les parallèles sont simples car ils ne se cachent même plus de leurs funestes desseins. Et quand le prédateur se sent acculé, il mord, avec toute la force qu’il lui reste pour blesser. Ce projet totalitaire qui se met lentement en place depuis 40 ans, n’a que faire d’espaces où l’on peut s’exprimer autrement qu’au travers l’appareil médiatique labellisé et conforme aux désirs de la Start-Up Nation. Tout doit se justifier sous la perspective de l’argent.  L’Art, l’Éducation, l’École, la Santé… ne sauraient être soumis à des logiques de rentabilité tout comme l’imagination, la transmission, le savoir, l’environnement, la poésie… ne sauraient être des variables d’ajustement répondant aux lois du marché. Et pourtant elles sont vitales, bien plus que le Black Friday ou Amazon.

Il est étrange de prendre la parole ici et de cette manière, car ce média n’a pas pour but premier de s’ouvrir aux tribunes mais en ces temps étranges, troublants, où le glissement vers les dérives autoritaires se sont subitement accélérées, je me suis retrouvé sidéré, à ne plus savoir que dire. Dans Ton Rouen est un petit média local, indépendant et bénévole. Je m’adresse à celles et ceux qui souhaiteraient soutenir une culture libre, indépendante et à cette époque, engagée contre la proposition unique qu’est la marchandisation de la vie. Être capable de proposer autre chose, autrement, avec sa plume ou son art, devient vital, car vous êtes essentiels et vous devez faire face, avec toutes les forces vives et les outils que vous avez encore à votre disposition. Alors s’il le faut, ce site en sera un humble relai, à l’échelle d’une ville et de ses habitants.